Parfois, on nous reproche de favoriser l’exploitation animale et la détérioration du climat en aidant au développement de l’élevage dans les pays du Sud.

Quels arguments pour notre défense ?

Zebunet soutient un modèle d’élevage familial, très loin des « usines à bestiaux » du type ferme des mille vaches. Ce modèle productiviste qui nourrit une grande partie des consommateurs occidentaux, ne respecte ni les animaux, ni les éleveurs, ni les consommateurs, ni les écosystèmes. Au contraire, l’élevage familial tel que promu par les projets de notre association cherche à préserver l’humain, l’animal et l’environnement, et voici comment.

Premier argument : un modèle qui respecte le rythme et la santé des animaux

Nous ne travaillons qu’en favorisant des élevages de taille réduite, n’ayant pas le même impact écologique que l’élevage industriel qui repose sur la concentration animale et ne tient pas compte des conditions de vie des animaux.

Pour les éleveurs, il va de leur intérêt que les animaux soient bien traités. Les conditions d’élevage ont un impact majeur sur l’état de santé et la qualité des produits : une chèvre mal nourrie, vivant dans un enclos sale et trop petit, est plus facilement malade et produit un lait en faible quantité et de médiocre qualité.

De plus, les produits vétérinaires pour les soins coûtent chers, souvent trop chers pour nos bénéficiaires. Il va de soit de s’assurer du bon état de santé des animaux pour n’utiliser qu’en dernier recours ces médicaments.

Pour garantir la réussite des projets et le meilleur soin des animaux, nos partenaires locaux assurent un appui zootechnique. Il est important que nos partenaires locaux s’assurent que les conditions matérielles satisfaisantes pour l’élevage (enclos, fourrage,…) soient réunies et que les soins vétérinaires préventifs soient bien assurés. En amont de la distribution des prêts, une formation aux bonnes pratiques d’élevage est proposée, pour les néophytes comme les éleveurs chevronnés.

Le modèle d’élevage que nous prônons, s’il s’appuie bien évidemment sur les vaccins, vermifuges et autres médicaments qui permettent d’éviter les maladies, ne se rue pas sur les hormones et les stimulants de croissance pour animaux. Ceux-ci sont principalement nourris de résidus de culture. La croissance des chèvres, moutons et autres zébus que nous finançons se fait selon le calendrier fixé par la nature.

Deuxième argument : un modèle qui préserve l’humain en favorisant le développement socio-économique des familles et leur santé

Nos projets s’adressent à des personnes trop pauvres pour accéder au système bancaire de leur pays. Notre objectif est la mise en place pérenne d’élevages amenant une amélioration du niveau de vie des bénéficiaires et leur permettant d’envisager à terme d’autres projets.

Les ventes d’animaux, de produits laitiers ou de fumure organique permettent de financer l’amélioration du logement, les investissements dans l’agriculture, l’éducation des enfants, les soins médicaux, les dépenses liées aux cérémonies comme les naissances et les mariages, et mille autres choses du quotidien.

Les bénéfices économiques de nos projets d’élevages vont au-delà des bénéficiaires directs des microcrédits. Ils concernent aussi les agriculteurs locaux, ouvrant des débouchés pour les producteurs de fourrage et de céréales. Et permettent le développement de circuits courts de vente, favorisant la croissance économique locale, plutôt que les importations de viande depuis l’international.

Au-delà de l’aspect économique et financier, c’est aussi l’alimentation des familles qui se trouve améliorée et, par conséquent, la santé de ses membres.

En moyenne, les français mangent chaque année 85 kg de viande par an et par personne (source : Les Echos). Sur le continent africain, cette moyenne tombe à 15 kg, avec une consommation plus importante dans les villes que dans les campagnes (source : RFI). Là où en France, la critique d’une surconsommation de protéines animales peut s’entendre et faire sens, elle n’est absolument pas applicable à nos zones d’intervention, en particulier sur le continent africain. 

Au contraire, les institutions spécialisées pointent régulièrement l’absence de diversité dans l’alimentation des plus pauvres de la planète, souvent très riche en céréales et féculents et pauvre en protéines animales, fruits et légumes frais. Ce manque de diversité est préjudiciable à la santé, et en particulier chez les enfants. Ceux-ci risquent de subir des retards de croissance, physiques ou mentaux, qui les fragiliseront toute leur vie.

Avoir son propre cheptel, c’est avoir un accès direct et non monétarisé à du lait ou des œufs, et à la viande de temps en temps. Promouvoir l’élevage familial, c’est aussi renforcer les corps des hommes et des femmes qui élèvent ces animaux, et augmenter ainsi leurs chances de réussite dans leurs activités et dans leurs vies.

Troisième argument : un modèle qui respecte l’environnement en favorisant l’association vertueuse de l’élevage et de l’agriculture

L’élevage produit un engrais naturel et gratuit. La fumure, mélange de déjections et de litière, permet d’amender les sols cultivés. La fumure est non seulement source de minéraux indispensables (nitrates, phosphates, potassium…) mais c’est aussi un agent texturant des sols par la matière organique qu’elle contient et qui permet le développement de la microfaune du sol. Quand elle est disponible en quantité suffisante, la fumure permet d’éviter les engrais chimiques qui polluent les sols, les cultures et la planète.

Au Vietnam, nous faisons la promotion des biodigesteurs. L’excédent de fumier sert à produire du biogaz dans des méthaniseurs, dont les digestats représentent d’excellents engrais. Les familles ont ainsi accès à une source d’énergie fiable et non toxique pour le chauffage, la cuisine, l’éclairage, et réduisent leur consommation de bois.

L’utilisation de la traction animale pour les travaux des champs facilite aussi la tâche des agriculteurs avec une empreinte carbone infiniment plus faible que celle des engins mécaniques. Et petit plus, les sabots des bovins tassent très peu la terre, ce qui est important pour éviter le compactage des sols.

Ces pratiques évitent l’érosion des sols. Elles limitent les inondations pouvant ravager les cultures et les maisons lors de fortes pluies. Leur impact sur l’environnement est positif : réduction des intrants chimiques, amélioration de la qualité des sols, diminution de l’utilisation d’engins agricoles motorisés.

Pourquoi se priver, quand l’animal mange dans les cultures ce que l’humain jettera et sécrète naturellement ce dont l’humain a besoin ?

Au XVIème siècle, le duc de Sully, intendant du roi, établissait déjà la synergie entre élevage et agriculture, avec la phrase suivante : « Labourage et pâturage sont les deux mamelles dont la France est alimentée ». Suivons son idée, pour une société plus juste, plus naturelle, plus respectueuse des êtres vivants, hommes et animaux, où chacun soutient l’autre, sans excès.

grégoire bruneteau|samedi, janvier 18th, 2020